Gen z, OPCI, baisse de confiance… Les raisons du décrochage du Masi

À l’issue d’un cycle boursier exceptionnel, le MASI cède du terrain et voit sa performance s’éroder de 10%. Cette chute s’explique par la panique des petits porteurs, ébranlés par les manifestations de la GenZ, et par le retrait progressif des investisseurs institutionnels, séduits par les rendements des instruments “innovants” tels que les OPCI.
Après plusieurs mois d’euphorie, le MASI se replie en douceur sous la barre des 20.000 points qui avait été franchie, rappelons le, en pleine période estivale. Un scénario que les analystes les plus prudents avaient anticipé — celui d’un retour vers la zone des 17.000 à 18.000 points, envisagé alors comme une simple phase de consolidation.
Comme nous l’avions souligné dans nos colonnes (voir article : 20.000 points, et après ?), le scénario le plus plausible tablait sur une stabilisation autour des 20.000 points. Les projections basées sur le contexte géopolitique actuel et les perspectives de croissance en interne, plaident en faveur d’une extension du cycle haussier.
Les plus prudents anticipaient une respiration technique, les plus optimistes espéraient le prolongement de cette belle envolée. Or, l’évolution du marché semble aujourd’hui valider une quatrième voie, celle d’un marché vulnérable pour des raisons que nul n’avait vraiment vues venir, comme souvent en Bourse.
Panique des boursicoteurs
«Les acteurs de marché s’attendaient à une correction, il ne manquait qu’un élément déclencheur», observe un analyste de la place.
Ce signal est venu des rassemblements de la GenZ, d’abord diffus puis réguliers, constatés dans les différentes villes du Royaume, dans un climat de tensions et d’interpellations largement diffusées sur les réseaux sociaux. Les images relayées ont suffi à ébranler la confiance des petits porteurs, désormais présents sur 25% à 30% des échanges du marché actions, contre à peine 10% il y a deux ans.
Ce mouvement de panique a renforcé le courant vendeur, accentuant la correction sur le marché actions. L’épisode rappelle la période de fébrilité qui avait accompagné l’escalade Israël–Iran. En face, les investisseurs institutionnels, caractérisés par une aversion au risque plus mesurée, ont mieux contenu leurs positions dans un marché qu’ils continuent d’orienter.
Fuite des capitaux
Ce repli tient aussi à un second facteur, à savoir la sortie progressive des investisseurs institutionnels du marché. Ces derniers ont allégé leurs positions sur les actions pour réorienter leurs placements vers les instruments “innovants” jugés plus sûrs et mieux rémunérés. Ces nouveaux véhicules, tels que les OPCI, attirent désormais l’essentiel des flux. Leur encours dépasse les 110 milliards de dirhams, avec un rendement annuel – compris entre 6% et 7% – qui rivalise avec celui offert par les adjudications du Trésor.
«Dans ce contexte, l’arbitrage est vite fait», résume un professionnel des marchés. Face aux grands chantiers d’infrastructures qui s’annoncent pour le Royaume – Coupe d’Afrique des nations 2025 et Mondial 2030 – l’État, en quête de ressources de financement, propose des taux suffisamment attractifs pour capter la liquidité des caisses de retraite, des compagnies d’assurances et des fonds de placement.
Cette réallocation des capitaux entraîne mécaniquement un recul de la liquidité sur le marché, ce qui tend à réduire les volumes et à freiner l’appétit pour le risque. Mais pour ce qui est de l’évolution du marché, les observateurs restent mesurés. Les institutionnels ont simplement arbitré vers les rendements plus attractifs offerts par l’État, sans remettre en cause leur exposition à la cote.
Pour nombre d’analystes, il ne s’agit pas d’un signal d’alerte, mais d’un ajustement naturel après plusieurs mois de hausse soutenue. Le marché cherche désormais son point d’équilibre, partagé entre l’attrait pour des primes alléchantes et la perspective d’un rebond des valeurs cotées. Rien d’alarmant pour autant, affirment les spécialites.
L’arbitrage des institutionnels en faveur de rendements plus attractifs, offerts par l’État, ne remet pas en cause leur exposition à la cote. Ce réajustement des flux n’est donc pas synonyme de perte de confiance. Le marché semble réajuster ses repères dans un environnement où le différentiel de rendement est un élément déterminant. La cote marque une pause plutôt qu’un repli, le temps de raviver l’appétence pour le risque.
Les fondamentaux tiennent la route
D’après la dernière étude de BKGR publiée en octobre 2025, le repli observé de l’indice vedette de la Bourse de Casablanca ne remet pas en cause la solidité de ses fondamentaux. Le mouvement actuel s’apparente davantage à une phase de respiration qu’à un éventuel retournement de tendance.
La société de recherche anticipe, en ce sens, une croissance bénéficiaire d’environ 8% sur l’année, portée par la résilience du secteur bancaire, la normalisation progressive de la demande intérieure et le redressement graduel des valeurs industrielles. Elle estime enfin que les valorisations actuelles offrent un point d’entrée attractif à moyen terme, sous réserve d’un retour à l’équilibre des flux de liquidité et d’une reprise économique confirmée.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO