Santé publique : le ministère tente d’ajuster le tir

Face à la colère des citoyens, le ministère de la Santé tente de rétablir la confiance et publie de nouvelles circulaires. Entre fermeté réglementaire et promesses de renforts médicaux, la tutelle multiplie les signaux d’apaisement à l’égard des citoyens. Toutefois, les professionnels du secteur privé haussent le ton concernant le «gel des subventions» annoncé par le ministre.
Dans un contexte de forte pression sociale, le ministère de la Santé vient de publier deux circulaires, l’une portant sur la mise en condition préalable lors des transferts des patients et l’autre sur le renforcement du rôle des établissements de soins de santé primaires en tant que porte d’entrée au système de soins et régulateur du parcours de soin.
Dans le premier de ces documents, le ministère de tutelle a rappelé à l’ordre plusieurs établissements hospitaliers pour des pratiques jugées non conformes. Certains transferts de patients seraient effectués sans régulation médicale préalable, en dehors du Service d’aAssistance médicale urgente (SAMU) ou des structures d’accueil compétentes. Ces manquements, contraires à la réglementation, mettent non seulement en danger la sécurité des patients, mais ils engagent aussi la responsabilité des professionnels concernés.
Le ministère exige désormais une régulation systématique de tout transfert, afin d’assurer l’orientation du patient vers la structure la plus adaptée et de garantir un transport sécurisé. Le médecin de la structure d’origine doit justifier médicalement chaque transfert, tandis que chaque hôpital est tenu de désigner un responsable chargé d’en valider la pertinence. Les équipes soignantes doivent en outre stabiliser l’état du patient avant tout déplacement, préparer le matériel nécessaire et, selon la gravité du cas, assurer un accompagnement médical continu.
Cette démarche s’inscrit dans le cadre plus large de la mise en œuvre de la loi-cadre relative au système national de santé. Cette dernière place les établissements des soins de santé primaires (ESSP) comme première porte d’entrée dans le parcours de soins. Le ministère rappelle que ces structures doivent assurer une prise en charge accessible, continue et intégrée, contribuant ainsi à la régulation du flux de patients vers les hôpitaux.
De plus, l’approche rejoint les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, qui considère les soins primaires comme le pilier d’une couverture sanitaire universelle. Pour rappel, face à la pression de la rue, le ministre de la Santé, Amine Tahraoui, avait annoncé, le 5 octobre dernier, la nomination prochaine de 543 médecins spécialistes dans les hôpitaux publics.
«Ces praticiens couvriront un large éventail de disciplines, de la cardiologie à la pédiatrie, en passant par l’orthopédie et l’ophtalmologie», a-t-il déclaré.
Une mesure destinée à renforcer les ressources humaines, améliorer la qualité des services et garantir leur accessibilité à tous les citoyens. Devant la Commission des secteurs productifs de la Chambre des représentants, le ministre s’est félicité d’une progression notable des recrutements : «1.200 médecins spécialistes seront nommés en 2025», a-t-il précisé, contre 179 en 2020, 175 en 2021, 347 en 2022, 314 en 2023 et 223 en 2024.
Point de discorde
Une autre annonce du ministre de la Santé, Amine Tahraoui, a suscité de vives réactions. Devant la commission parlementaire tenue le 1er octobre, le ministre avait annoncé le gel des subventions accordées aux cliniques privées. En réaction, les représentants du secteur privé ont exprimé leur incompréhension.
Dans une notification adressée au ministère, l’Association nationale des cliniques privées (ANCP) affirme qu’aucune clinique membre n’a jamais bénéficié d’un tel soutien, ni pour le fonctionnement ni pour l’équipement. L’organisation demande au gouvernement de publier la liste complète des bénéficiaires et les montants concernés, au nom de la transparence.
Selon l’ANCP, ces déclarations risquent d’alimenter la confusion et de ternir l’image d’un secteur qui, depuis des décennies, contribue activement au service public de santé. Les cliniques privées accueillent chaque année des milliers de patients qui choisissent librement leurs soins, et affirment œuvrer dans un climat de confiance et de qualité.
L’association appelle une nouvelle fois à un dialogue constructif pour renforcer la complémentarité entre le public et le privé, plutôt que de les opposer. Par ailleurs, le groupe Akdital réfute catégoriquement avoir bénéficié d’une manière directe ou indirecte d’un soutien gouvernemental public. Il a rappelé qu’en tant que société cotée en bourse, le groupe est soumis à une obligation de transparence financière édictée par l’Autorité marocaine des marchés de capitaux.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO