Maroc

Mobilité. Un répit de 12 mois pour les motocyclettes

Confronté à une vague de contestation populaire, le gouvernement a décidé de suspendre une campagne controversée visant les motocyclettes jugées non conformes. L’Exécutif accorde désormais un délai de douze mois aux propriétaires, le temps d’adapter leurs véhicules aux normes en vigueur.

En quelques jours, une campagne de contrôle des motocyclettes a provoqué une onde de choc, opposant les impératifs liés à la sécurité routière aux réalités du quotidien de millions de citoyens. Face à la contestation, le gouvernement a choisi de suspendre l’opération, qui prévoyait amendes salées et mises en fourrière pour les engins dépassant une vitesse jugée illégale. Mais derrière ce recul tactique, se dessine un dilemme profond, comment concilier la lutte contre l’hécatombe des accidents et la défense du pouvoir d’achat des ménages modestes pour qui la moto reste souvent le seul moyen de transport ?
La décision est tombée à la suite d’un échange entre le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et le ministre du Transport, Abdessamad Kayouh. Alors que la polémique enflait, l’Exécutif a annoncé l’arrêt de la campagne de contrôle et l’instauration d’une période transitoire de douze mois aux propriétaires de motocyclettes pour se conformer aux standards légaux. Selon le ministère du Transport, cette mesure vise à «garantir les droits des citoyens, prendre en considération les conditions socio-économiques des catégories concernées et répondre aux impératifs de sécurité routière».

Une campagne controversée
La campagne avait été lancée début août par le ministère du Transport et de la Logistique, avec le soutien de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et de l’Agence nationale de la sécurité routière (NARSA). L’approche retenue reposait sur un outil controversé : l’utilisation de compteurs de vitesse (speedomètres) pour évaluer la conformité des motocyclettes. Tout engin dépassant 58 km/h était réputé «modifié», donc non conforme, et pouvait être immédiatement mis en fourrière. De plus, les propriétaires risquaient des amendes allant de 5.000 à 30.000 dirhams, ainsi que des peines de prison de trois mois à un an. Dans plusieurs villes du Royaume, des barrages avaient été installés et des centaines de véhicules saisis. La majorité d’entre eux, selon les constats de terrain, étaient des modèles chinois bon marché modifiés illégalement afin d’accroître leur vitesse maximale. Très vite, la campagne a suscité la colère des usagers et d’une partie de la classe politique. Un député avait d’ailleurs interpellé le gouvernement par une question écrite, dénonçant «l’absurdité» d’un critère de vitesse qui pénalise des motocyclettes d’origine française ou japonaise, capables de dépasser 58 km/h sans aucune modification technique. D’autres critiques ont fustigé une «contradiction flagrante» dans le fait que l’État autorise l’importation de milliers de véhicules non conformes, leur immatriculation et leur mise en vente, pour ensuite sanctionner des citoyens qui les ont acquis en toute bonne foi. Dépassés par les évènements, certains usagers ont lancé une initiative citoyenne intitulée «Laisser la moto à la maison», préférant immobiliser leur deux-roues plutôt que de risquer saisie et amende.

L’argument sécuritaire
De son côté, la NARSA a justifié les contrôles par la nécessité de lutter contre l’hécatombe routière. Les chiffres officiels sont éloquent. En 2024, les motocyclettes ont été impliquées dans 43% des accidents mortels, soit 1.738 décès, dont la majorité imputés à la vitesse et aux modifications techniques illégales. Les autorités soulignent également qu’au mois de juillet 2025, le lancement du programme estival de sécurité routière avait permis une baisse notable des décès sur les routes hors agglomération (-25% par rapport à 2024). Paradoxalement, les accidents en milieu urbain impliquant des deux-roues ont progressé de près de 50% sur la même période. Néanmoins, pour plusieurs observateurs, limiter la sécurité à la seule vitesse constitue une erreur. La qualité des freins, le poids du véhicule, le port du casque ou encore l’état des routes sont autant de facteurs ignorés par la campagne. «Le contrôle devrait commencer à l’importation et lors de l’homologation, et se poursuivre tout au long de la chaîne de distribution. Faire peser l’entière responsabilité sur le citoyen est injuste et inefficace», estiment des spécialistes de la mobilité. La polémique a également ravivé le débat sur l’égalité devant la loi. Certains s’interrogent sur la capacité des administrations publiques à appliquer à leurs propres flottes et à leurs agents les mêmes normes que celles imposées aux particuliers. Ainsi, durant les douze mois de sursis, les autorités devront travailler sur plusieurs chantiers. D’abord, vérifier la conformité des importateurs et distributeurs aux réglementations en vigueur. Ensuite, renforcer les campagnes de sensibilisation sur la sécurité routière, via les médias, le numérique et les actions de terrain. Le ministère a par ailleurs indiqué que la durée exacte de cette période transitoire serait fixée après consultation de la commission permanente de la sécurité routière et concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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