Éco-Business

Conjoncture. L’inflation décroche, mais pas le coût de la vie

Avec l’entrée dans un nouveau cycle de ralentissement de l’inflation, les taux d’intérêt réels redeviennent positifs. Les gros épargnants, les banques, les organismes de crédit-conso, les sociétés de gestion de placements, entre autres, et dans une moindre mesure, les détenteurs de revenus fixes, dont les salariés et les retraités, devraient bénéficier de cette détente des prix à la consommation. Mais pour de nombreux ménages, le coût de la vie, lui, continue de s’emballer malgré une inflation maîtrisée.

Excepté l’alerte de 2022 (+6,6%), «le niveau d’inflation le plus élevé depuis 1992», selon Bank Al-Maghrib, l’inflation a connu une stabilité au point que cette modération soit prise pour un acquis par les ménages et les entreprises. Mais pas pour la Banque centrale dont la maîtrise de l’inflation reste la boussole de la politique. La deuxième moitié de la décennie 1990 a marqué le début de cette désinflation avec un indice des prix à la consommation (IPC) moyen de 1,6% sur la période 1996-2005. La remontée observée entre 2006 et 2008, due à la flambée des cours des matières premières, n’aura été que passagère avant un retour à un taux moyen «normal» de 1,1% à partir de 2009. Selon les prévisions de Bank Al-Maghrib, l’inflation s’établirait à 2,4% cette année avant de retomber à 1,8% en 2026, ce qui fait du Maroc un des meilleurs élèves en la matière.

L’IPC ne dit pas tout
L’accélération de la baisse de l’inflation résulte d’une détente plus rapide que prévu de celle des prix des produits alimentaires à prix volatils. Elle résulte aussi de la baisse des prix des carburants et lubrifiants, profitant d’un baril de pétrole bon marché, décryptent les autorités monétaires. Vis-à-vis de ses principaux partenaires commerciaux, le différentiel d’inflation favorable au Maroc devrait pousser le dirham à la hausse. Attention, l’indice des prix à la consommation (IPC) n’est pas un indice du coût de la vie, tempèrent les économistes du HCP. Une inflation basse ne signifie pas forcément que les ménages se soient enrichis, car les deux baromètres ne renseignent pas sur la même chose. L’indice des prix à la consommation mesure les effets des variations sur le prix d’achat des produits consommés par les ménages tandis que l’indice du coût de la vie mesure les variations des coûts d’achat pour maintenir le niveau de vie des ménages à un niveau spécifié. Sur le papier, le ralentissement de l’inflation devrait se traduire par un petit gain sur le pouvoir d’achat des ménages même si le ressenti dépend de la structure des dépenses dans le budget. Un ménage qui consacre 40% de son revenu à l’alimentaire par exemple, n’aura pas le même ressenti de l’inflation que celui qui n’y consacre que moins de 10%. L’inflation telle que mesurée par le Haut-commissariat au plan (HCP) agglomère des situations très différentes. Ce qui compte pour le ménage lambda, c’est moins l’indicateur statistique que l’érosion de son pouvoir d’achat constatée au quotidien, car malgré la désinflation, la pression des dépenses contraintes (charges fixes) reste élevée. Ces dépenses regroupent, entre autres, le logement, l’eau et l’électricité, le téléphone, la connexion Internet, l’aide familiale, les remboursements d’emprunts, et pour une partie des classes moyennes, les frais de scolarité des enfants.

38,2% des dépenses des ménages consacrées à l’alimentaire
Selon la dernière enquête du Haut-commissariat au Plan (HCP), les ménages consacrent en moyenne 38,2% de leur budget à l’alimentation, soit 1,2 point de plus qu’en 2014. Un chiffre qui contraste avec la tendance à la baisse observée depuis des décennies, s’étonnent les analystes du HCP qui relèvent néanmoins que le poids des dépenses alimentaires demeure en dessous du pic de 40,6% il y a près de 20 ans (2007). Sans surprise, les plus modestes sont aussi ceux qui affectent la plus grande part de leur revenu à l’alimentation. Ainsi, 10% de la population parmi les moins aisés affectent la moitié de leur budget à l’alimentaire; contre 30% pour les 10% les plus aisés, révèle l’enquête du HCP. Parmi les «gagnants » de la désinflation, on relèvera les détenteurs d’un revenu fixe : salariés, retraités, attributaires d’allocations diverses, et des gros épargnants. Même amputé de l’inflation, le taux de rendement réel des placements (assurance-vie, OPCVM) restera en territoire positif. Par ailleurs, les états-majors des banques et les gérants des sociétés de gestion d’actifs se frottent les mains en période de ralentissement de l’inflation, car les taux d’intérêt réels restent à un niveau qui ne leur fait pas perdre de l’argent. Le taux directeur de Bank Al-Maghrib étant revenu à un niveau bas à 2,25%, mécaniquement, la rémunération des dépôts et des produits d’épargne baisse en valeur réelle. Par ailleurs, le rendement des emprunts obligataires du Trésor demeure également à des niveaux bas. Cette situation pourrait se traduire par une certaine réticence des investisseurs à miser sur de la dette longue de l’État aux niveaux actuels des taux. Pour ces derniers, le contexte est en effet propice pour générer une forte demande de la part des investisseurs et des épargnants. Ce faisant, le marché financier aurait acquis un nouvel instrument contribuant davantage au développement de son efficience et sa profondeur. Les États – ce n’est pas le cas du Maroc – optent pour la dette indexée à l’inflation autant pour des raisons d’efficience des marchés que pour des considérations liées à la gestion active de la dette. Car, émettre des emprunts obligataires liés à l’inflation peut permettre de réduire le coût de la dette si les anticipations d’inflation par le marché sont exagérées. Cette option ne fait pas partie du «lexique» de la direction du Trésor et des Finances extérieures qui privilégie une gestion active de la dette en réduisant la maturité des encours en période de détente des taux.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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