Culture

L’interview confinée de… Valérie Morales Attias

«Casablanca. Chicha, Esther, Colette et les autres», son nouveau roman sortira prochainement aux Éditions La Croisée des chemins. En attendant, le temps d’un confinement, Valérie Morales Attias revient sur ses valeurs sûres, «les textes pourvu qu’ils soient de l’or», qui ont su la conquérir. Quarantaine littéraire des plus inspirantes et inspirées avec une amoureuse du verbe.

Un livre qui vous fait aimer Casablanca davantage ?
Aucun ne me vient à l’esprit. Enfin, si, le mien peut-être, qui porte le nom de cette ville-poème, Casablanca et ne sortira en librairie qu’après le confinement. (Rires).

Le livre qui a changé votre vision de la vie ?
«Le Gai Savoir» de Nietzsche. Il y évoque la liberté, cette belle conquête humaine, jamais complètement atteinte. J’ai appris dans ce petit livre à «savoir danser avec mes chaînes». C’est très libérateur.

Le livre qui a fait de vous l’homme de lettres que vous êtes ?
Je n’ai pas l’impression d’être un homme ou une femme de lettres. Cela sent le confiné, la vieillesse compassée. Je me sens gamine et amoureuse de certains livres et non des livres en général. Au contraire, l’idée du livre en soi ne m’intéresse pas, sauf dans les dîners. En vrai je m’en fiche royalement. Je cherche juste à mettre la main sur des textes-pépites (d’or) comme une aventurière dans une mine de diamants.

Le livre qui vous a donné envie de lire ?
Tous les volumes de la Comtesse de Ségur dans la Bibliothèque rose. Un univers très loin de la petite fille que j’étais, fascinée par les enfants décrits par la sublime Comtesse, ces petits êtres parfaits et à qui l’on enseignait la grandeur d’âme dans des châteaux de famille. Plus tard, je me suis fortement identifiée à une héroïne de la Bibliothèque verte, dans «Le club des cinq». J’admirais le personnage de Claude, une fille plutôt asexuée qui se comportait avec le courage et le mauvais caractère d’un garçon.

Le livre qui vous fait rire ?
Presque tous les livres de Philippe Sollers. Il est l’un des rares écrivains français dont les mots sont comme des tiroirs alambiqués, pleins d’ombres, de scintillements, de lames et de bonnes blagues cachées. Son meilleur livre à mon avis ? «Portrait du joueur».

Le livre qui vous émeut ?
Le livre de ma mère d’Albert Cohen. Rien que d’en parler, je tremble d’émotion mais aussi «La Civilisation ma mère» de Driss Chraïbi et «Le pain nu» de Mohamed Choukri. Ce dernier est un Jean Genet marocain, une splendeur noire.

Le livre que vous avez aimé détester ?
Un ouvrage de Michel Houellebecq. «Soumission» qui m’a semblé empreint d’une idéologie mortifère qui m’a mise mal à l’aise.

Le livre que vous avez détesté aimer ?
«Les infortunes de la vertu» du Marquis de Sade. Tant d’intelligence au service du mal, est-ce bien raisonnable ?

Le livre qui donne la pêche ?
Tous ceux qui parlent de l’absurdité de la vie et n’en font pourtant pas une représentation anodine. Je ressens toujours une joie, assez mauvaise, je le reconnais, à lire un texte de Henry de Montherlant qui s’intitule «Service inutile» dans lequel moins les choses ont de sens plus elles sont importantes. L’absurde est également la trouvaille inouïe d’Albert Camus dans ses œuvres. Cette trouvaille, la reconnaissance du manque de sens de l’existence, délivrée du nihilisme, est essentiellement libératrice.

Le livre qui vous a fait peur ?
Je ne m’en rappelle pas. Je ne lis pas les livres qui me font peur. À quoi bon ? Je n’ai pas tant besoin d’avoir peur, la peur paralyse. Au contraire, j’ai besoin de visiter les côtés de toutes choses, en 3 D si vous voulez, que seuls le regard d’un écrivain est capable d’éclairer. Les auteurs qui m’intéressent ne me font jamais peur, ils ont plutôt tendance à m’apaiser et plus ils pétillent d’intelligence et d’une sorte d’empathie, plus je suis heureuse.

Le livre que vous pouvez lire et relire ?
«Le Gai Savoir» de Nietzsche, encore et toujours. On peut le lire mille fois car le «style» y est à mon avis indépassé. Il s’agit d’une série d’aphorismes flamboyants, des centaines de pensées profondes rencontrées au petit bonheur la chance, à n’importe quelle page et y trouver une perle, un réconfort, une illumination.

Le livre qui vous avez lu très vite ?
«L’ami retrouvé» de Fred Uhlman. Un petit chef-d’œuvre, tout petit, la taille d’une grande nouvelle, qui raconte la forte amitié entre deux garçons, le narrateur Hans Schwarz, fils d’un médecin juif et Conrad Von Hohenfels, jeune aristocrate pendant la montée en puissance du nazisme en Allemagne. C’est un très beau livre dont je crois que l’on en a tiré un film.

Le livre parfait pour le confinement ?
Un bon polar américain. Quelques titres au langage cru de James Ellroy, comme «White Jazz». Plus au Sud, l’excellent Deon Meyer, auteur sud-africain de livres captivants. Mon préféré de Deon Meyer ? «En vrille». Sinon, si l’on a le cœur bien accroché : Mo Hayder, l’auteur anglaise un peu déjantée mais pour dire vrai, je ne la lis plus depuis longtemps. J’aime beaucoup les romans policiers, j’ai chez moi une pleine bibliothèque qui leur est dédiée.

Le livre courageux ?
N’importe quel livre qui ose sortir des sentiers battus et des tics insupportables de l’époque. Le nombrilisme et l’humanisme moralisateur est aujourd’hui la norme de la littérature francophone. Je pense que n’importe quel livre à condition qu’il soit mal élevé, conservateur, corseté à force de situations aristocratiques me paraîtrait plein de fraîcheur. Pour son éditeur, ce serait un pari sacrément courageux par les temps qui courent.

Le livre que vous emmèneriez sur une île déserte ?
Un seul ? Allez, «La Princesse de Clèves», en souvenir de Nicolas Sarkozy. Non, c’est une blague.

Votre livre de chevet ?
Je suis plutôt romantique et je relis périodiquement ce grand et tragique roman d’amour, «Belle du seigneur» d’Albert Cohen. Comme disait l’autre, la vie ne vaut d’être vécue sans amour. Je préciserais toutefois que sans un «Solal Solal», point d’amour possible. 


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